Renkontre avec Guela Tsouladze
- Benjamin Germany

- 15 oct.
- 2 min de lecture
Artiste peintre franco-géorgien, Guela Tsouladze explore depuis toujours les notions d’identité, de mémoire et de transmission à travers la couleur et la matière.
Pour ce numéro consacré à l’héritage, il se confie sur son parcours entre deux cultures, son rapport au temps, et la manière dont ses œuvres deviennent le reflet d’un dialogue entre passé et présent. Un échange profond avec un artiste pour qui peindre, c’est avant tout transmettre ce qui ne s’exprime pas par les mots.

Benjamin : Quel est ton premier souvenir ? Cela peut être très anodin comme un moment de
vie ou une odeur, une madeleine de Proust...
Guela Tsouladze : Mon plus lointain souvenir date de l’époque où je venais en France avec ma mère alors
que la Géorgie était encore sous l’Union Soviétique. Ce qui me suivait de Paris, même après
mon retour en Géorgie, c’était les odeurs. Par exemple, l’entrée d’un hall d’immeuble avait
une odeur spéciale, par rapport au produit de nettoyage, et en Géorgie, comme il n’y avait
pas toutes ces odeurs, eh bien, elles me poursuivaient. Même en rêve, j’avais la sensation
de ces odeurs de Paris. Pour moi, la différence entre l’Union Soviétique et le capitalisme,
c’était les odeurs.
B : Comment était la vie à Tbilissi durant ta jeunesse ? Était-elle différente de celle
d'autres pays de l'Union Soviétique comme la Russie par exemple ?
G : Pour moi, c'était déjà exceptionnel puisqu'on était la seule famille qui sortait de l'Union
Soviétique pour partir en vacances en France. L'Union Soviétique, c'était un grand camp
fermé où les gens ne sortaient pas à l'étranger.
Ma mère avait gardé la nationalité française. Elle n'avait pas pris de passeport soviétique,
mais elle est allée vivre là-bas avec mon père. Nous, on avait la possibilité de venir en
France tous les ans, l'été, passer des vacances chez les grands-parents, chez les cousins,
tout ça. Donc, on était déjà exceptionnellement très différents des autres enfants.
Par exemple, à l'école, quand je revenais le 1er septembre, j'avais les cheveux longs par
rapport aux autres. Et le prof me coupait les cheveux pour montrer aux autres enfants que
les cheveux longs étaient mauvais. C'était les années 70 alors qu'on voulait tous ressembler
aux Beatles, Jimi Hendrix, etc.
Après les chewing-gums par exemple. Ça n'existait pas les chewing-gums là-bas. Nous on
ramenait des chewing-gums et on les distribuait. Les vinyles, la musique, ça n'existait pas
là-bas. Donc c'est nous qui ramenions les vinyles et qui les recopiaient après sur les
cassettes pour les autres. Donc, on était exceptionnellement différents des autres enfants et
de la Russie et tout le reste.
B : Quand tu étais plus jeune, tu faisais des projections maison pour voir des films de
la nouvelle vague avec des réalisateurs comme Paradjanov ou Iosseliani, je voulais
savoir comment tu pouvais avoir accès à ces bobines à l’époque et aussi comment tu
as été dans le cercle de ces personnes qui sont ensuite devenues de grands
cinéastes.




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