Kasbah sans tabous : Les dérives du body positive
- Elodie Gros-Desir
- 6 janv. 2022
- 4 min de lecture
Il y a un peu plus d’un an de cela, la chanteuse Lizzo partageait avec ses followers sa détox d’une dizaines de jours constituée essentiellement de smoothies. A son grand étonnement, au lieu des traditionnels messages d’encouragements, la jeune femme a fait face à une vague de commentaires indignés. Et le droit de chacun à disposer de son propre corps dans tout ça ? On en parle !
Ceux là même qui s’indignent qu’une femme grosse et bien dans sa peau prenne la décision d’effectuer une détox sont aussi ceux qui s’investissent de la mission sacrée de défendre les femmes faisant le choix d’avoir recours à l’avortement par exemple.
« Chaque femme a le droit de disposer de son corps comme elle l’entend » twittent-ils avec rage, martelant le clavier de leurs smartphones « Stop aux diktats de la société patriarcale et sexiste » renchérissent-ils.
Pourtant ils n’hésitent pas à une seconde à pointer du doigt cette pauvre Lizzo juste parce qu’elle prend la décision, avant tout personnelle, de faire une détox. Alors pourquoi dans un cas la femme a-t-elle le droit de disposer de son corps comme elle l’entend et dans l’autre pas vraiment ?
Pour recontextualiser, pour ceux que j’ai perdu en cours de route, Lizzo est une jeune chanteuse et flûtiste noire, magnifique et tout en rondeurs connue pour prôner le body positive sur ses réseaux.
Bien dans sa peau, l’interprète de Truth Hurts a appris à se détacher du regard des autres, à aimer son corps et à l’assumer bien qu’il ne corresponde pas aux silhouettes mises en avant lors des défilés de haute couture.
En décembre 2020, c’est le drame. Dans une de ses stories Instagram, la chanteuse fait l’erreur monumentale de partager sa détox avec ses followers.
En quelques minutes à peine, elle se retrouve assaillie de DM et de commentaires de femmes déçues de la voir faire un régime.
Lizzo voudrait-elle perdre du poids et quitter le rang des femmes grosses et fières de l’être de ce monde ? Aurait-elle fait semblant depuis le début ? Se sent-elle réellement aussi bien qu’elle le prétend dans son corps ? Autant de questions auxquelles Lizzo a tenu à répondre en voyant le tollé qu’a provoqué cette simple story.
NON, elle ne se sent pas mal dans son corps. OUI, elle assume toujours sa silhouette. Mais après tout, n’a-t-elle pas le droit de se préoccuper de sa santé ? Être grosse ne veut pas dire qu’elle doit manger des fast food à longueur de journée et délaisser sa santé.
Et quand bien même elle en aurait en envie, qui ça regarde à part elle ? Si malgré elle, l’artiste est devenue l’une des figures de proue du mouvement body positive, elle est toujours libre de disposer de con corps sans demander l’accord de qui que ce soit.
Devenue un exemple pour beaucoup de plus jeunes, elle est une espèce de modèle à suivre, or, elle n’est officiellement pas une figure d’exemplarité condamnée à effectuer un parcours sans faute de peur de décevoir sa communauté.
L’affaire Lizzo est la preuve que le mouvement body positive, comme beaucoup de mouvements portés par nos générations, est souvent sujet à dérives.
Si certains restent censés et respectueux d’autrui tout en défendant une cause, d’autres en revanche perdent de vue les limites à ne pas franchir.
Alors il s’emportent et ceux qui, quelques semaines auparavant, postaient des messages pointant du doigt les harceleurs scolaires et pleurant les victimes de leurs actes, se mettent à assaillir de messages de haine quiconque aurait le malheur de faire un pas de travers. Adèle en a fait les frais. Il y a quelques années, la diva qui a toujours assumé ses rondeurs en les mettant en valeur dans de sublimes robes de gala pailletées a refait surface après une longue absence. Seulement quelque chose avait changé : son poids. Si au départ seuls quelques rares clichés de la chanteuse amincie étaient visibles sur les réseaux sociaux, elle a fait son comeback et s’est affichée toute aussi fière qu’avant de son corps.
Là encore, certains y sont allés de leurs petits commentaires, lui reprochant de les
avoir « trahi ».
Mais l’essentiel dans le body positive n’est-il
pas de se sentir bien dans sa peau quelque soit son corps ? Grosse, mince, petite, grande, moyenne... Toutes les femmes sont censées être célébrées dans ce mouvement. Or, avec les années, une branche radicale du body positive s’est développée avec des internautes virulentes qui n’hésitent par exemple pas à qualifier d’autres femmes de « trop minces » et donc pas assez légitimes pour prendre part au mouvement.
Si l’ascension des réseaux sociaux a apporté son lot d’éléments positifs dans notre société (#balancetonporc, scandales financiers, etc.), elle a aussi montré à maintes reprises ses inconvénients.
Entraînés dans l’engrenage collectif, certains dépassent les limites et, sous couvert d’anonymat, n’hésitent pas à reproduire des schémas qu’ils dénonçaient au départ. « Pour le bien commun » qu’ils disent. Pourtant, si on en parle peu, des carrières et parfois même des vies sont détruites à cause de cette propension à se mêler de la vie des autres et à faire d’une simple erreur un scandale planétaire.
Dans le cas où vos commentaires sauvent des vies et mettent fin aux injustices, lâchez-vous.
Mais s’il ne s’agit que d’une femme qui veut faire un régime détox parce qu’elle a fait quelques excès, que grand bien lui fasse, elle n’a tué personne.
Article écrit par Elodie Gros-Désir
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