Savant, le roi sans couronne de la Bass Music
- Benjamin Germany
- 20 déc. 2022
- 5 min de lecture
Aleksander Vinter est un DJ/producteur norvégien que beaucoup connaissent sous le nom de « Savant ». Il a commencé à sévir au début des années 2010 et ne cesse de nous envahir d’albums et de projets en tout genre depuis. Une de ses grandes particularités est qu’il se présente sous plusieurs noms de scène distincts. Il a sorti des albums sous son vrai nom, souvent pour des albums orchestraux. Mais on peut le voir s’illustrer avec d’autres pseudonymes tels que « Blanco », « Vinter in Hollywood » ou encore « Datakrash » et il y en a plein d’autres.
Aujourd’hui, nous allons nous concentrer sur sa personnalité la plus connue : « Savant ».

Aleksander Vinter vit une enfance plutôt solitaire où il construit lui-même sa vision du monde avec ses jouets et sa musique qu’il commence à l’âge de 4 ans. Quelques années plus tard, en 1997, sa mère lui offre son tout premier ordinateur qui lui permet de créer et d’enregistrer sa musique grâce au synthétiseur de sa sœur. Il débute avec le logiciel Ejay où le seul BPM disponible était le 180 ce qui l’amène naturellement à commencer ses compositions par de la Drum & Bass.
En parallèle, Savant est passionné par le dessin, il s’entraîne en dessinant des personnages de Disney puis, grâce à son don d’observation, enchaîne avec des caricatures de gens qui l’entourent. Avec le logiciel FastTracker, servant à créer de la musique en 8-bit, Savant se découvre une passion dévorante pour la musique de jeux vidéo. Il commence sérieusement à jouer pour un groupe de Black Metal au clavier, mais son ambition est bien supérieure à celle de ses partenaires et il décide rapidement de se lancer en solo depuis sa chambre. Durant cette période, il ne compose pas moins de 2000 morceaux de Metal afin de faire ses armes. Enfin, il découvre FLStudio qui lui permet de faire ses premiers pas dans la production de morceaux Trance et House.

Savant est un autodidacte complet, il n’a jamais suivi aucune formation. Il est atteint d’autisme et se décrit lui-même comme un observateur et non comme un artiste. C’est en 2009 qu’il sort officiellement son premier projet, cette fois-ci sous le nom de Vinter in Hollywood, l’EP « Outbreak ».
Ce disque est très inspiré par
« Discovery » de Daft Punk (album préféré de Savant) notamment avec les voix sous Vocoder. Il sera nominé aux Grammys norvégiens pour ce projet. Après avoir passé plusieurs tests, Aleksander Vinter apprend qu’il est atteint du syndrome du Savant, c’est le fait d’être surdoué sur une ou plusieurs compétences contrastant avec les difficultés ressenties dans d’autres. C’est ce syndrome qui lui inspire son nouveau nom, illustrant son immense productivité. L’année 2011 marque l’arrivée de « Ninur », premier album d’Aleksander sous le nom de Savant. Un projet qui marque également son entrée fracassante dans la musique Dubstep, un genre très apprécié à l’époque mais assez décrié depuis.
Maintenant que le personnage est bien planté et pour éviter d’en faire une bête biographie, j’aimerais revenir sur les points fondamentaux qui font de Savant l’un des artistes les plus originales de la Bass Music et bien plus encore. Je fais partie des personnes qui ont été percutées par la Dubstep à son arrivée. Par le biais de Skrillex ou Excision, j’ai aimé la brutalité musicale qu’apportait ce genre qui fait, indubitablement, partie de mon adolescence et ma culture. Désormais, je n’en écoute plus que dans mes plongées nostalgiques de cette époque. Mais il y a un artiste qui résiste, un que je continue de suivre bien qu’il soit plus ou moins retourné dans l’anonymat et ce survivant, c’est Savant. Alors pourquoi sa musique me touche-t-elle encore, même une décennie plus tard ? Tout simplement parce que Savant est en perpétuel renouvellement et il l’était déjà au sommet de son succès.
C’est un artiste qui aime planter un univers, un décor pour chacun de ses albums. Il suffit de regarder ses différentes pochettes pour s’en douter mais il ne s’arrête pas à l’imagerie, car sa musique, en elle-même, est remplie d’images. Afin d’illustrer mon propos, je me suis replongé dans mon album préféré de sa discographie qui se trouve être également l’un de mes albums préférés tout court : « Protos » sorti en 2014. Avant cette pépite, Savant avait déjà sorti une poignée de projets dans lesquels la Dubstep était le fer de lance. Il avait déjà ses particularités, notamment les sonorités 8-bit qui permettait de le différencier de ses compères.

Mais c’est avec « Protos » qu’il s’est totalement affranchi de ce genre pour devenir encore plus grand. Évidemment, c’est un album qui a troublé une partie de ses auditeurs. Au contraire, pour ma part, j’ai été bouche bée dès le premier morceau
« Man of the Law » qui est une invitation à l’aventure qui se poursuivra jusqu’au dernier morceau, la brutalité n’était plus au centre, la mélodie a pris le dessus. « Protos » est un véritable Space Opera, un film de science-fiction où l’on voyage au côté d’un héros intergalactique.
Ces affirmations peuvent vous paraître étranges, mais cet album a vraiment le don de vous mettre toutes ces images en tête et je vous invite fortement à l’écouter pour vivre l’expérience par vous-même.
Après avoir parlé des univers sonores que Savant parvient à construire, j’aimerais qu’on se penche sur son intelligence. Pour cela, nous allons à nouveau partir dans mes souvenirs lors du festival Panorama en Bretagne durant l’année 2015.
Dans mon groupe d’amis, j’étais le seul à écouter Savant et j’avais vraiment hâte de pouvoir vivre une de ses prestations live. J’ai vécu de superbes concerts lors de cette journée mais seul Savant m’a laissé un souvenir impérissable et je vais vous expliquer pourquoi. Après avoir réussi à traîner une partie de ma bande pour son DJ-set, je me rends compte qu’il y a peu de foule sous le chapiteau. Aucune surprise, Savant n’étant pas du tout une tête d’affiche.
Les lumières s’éteignent et le set commence. On peut entendre retentir un remix du morceau « Still Dre » de Dr.Dre et Snoop Dogg poursuivant sur un morceau de Daft Punk. Pendant 15 minutes, Savant enchaîne les remix de gros tubes, amenant de plus en plus de monde sous le chapiteau.

Une fois que celui-ci est blindé, il part sur ses propres morceaux pour emmener la foule dans son univers. Le chapiteau est resté bondé jusqu’au dernier titre. Cette anecdote montre l’intelligence de Savant pour accaparer un public qui ne le connaît pas. C’était un moment absolument fou et je n’ai pas pu le revoir depuis ce jour.
Il me faudrait des pages entières pour exprimer et expliquer tout le respect que j’ai envers cet artiste. Savant continue d’être très prolifique, pour fêter les 10 ans de l’album
« Alchemist », il a revisité tout son propre album, un travail particulier mais un excellent cadeau pour sa fan base. Si vous ne connaissez pas du tout sa musique, je vous conseille d’aller écouter « Protos » qui est son album le plus ouvert en plus d’être le meilleur, selon moi.
Maintenant, je vous laisse tranquille et je retourne « headbanger » sur des sonorités bien grasses !
Article écrit par Benjamin Germany
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