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RENKONTRE AVEC NINOBROS

Nous sommes allés à la rencontre de NinoBros dans son home studio à Ivry pour parler de sa vision et sa conception de la musique. Rappeur, beatmaker et ingé son, il prépare de chez lui l'ascension de son univers.

Quel a été ton premier contact avec la musique ? Quel est ton rapport avec elle en tant qu’auditeur ?

NinoBros : Ça a commencé via mon daron qui est percussionniste, il fait de l’harmonica aussi. Il nous a plongé dans tous types de musique depuis qu’on est tous petits avec mon grand frère Driss. Les premières musiques que j’ai écouté sérieusement après les Minikeums et génériques de dessins animés (rires), c’était le rock car mon grand cousin en était fan. Je trouvais ça trop classe et je voulais faire comme lui.

Tu t’es bouffé la période Punk rock comme tout bon gamin des années 90 ou tu étais sur un rock plus ancien ?

NB : En réalité, un peu de tout mais je ne vais pas te mentir, mon groupe de prédilection, c’était Sum 41 (rires).

On y est tous passé Sum 41, Blink-182...

NB : C’est ça. Après, j’écoutais aussi Marilyn Manson ou Black Sabbath. Mon cousin justement s’appelle Ozzy, en hommage à Ozzy Osbourne.

Benjamin : Ah oui ! Il était prédestiné direct, il n’avait pas le choix (rires).

NB : Et puis au fur et à mesure, vu que Driss était plus fan de rap, moi aussi ça m’a plu très rapidement. Au début, je n’ai pas voulu l’accepter, en tant que rockeur, c’est difficile (rire). Mais j’ai commencé par être bien fan de Sniper et on a été voir le concert Génération rap & RnB à Toulouse avec Driss et mon père. C’était 2h-3h de concert où c’était que du rap et après ça, je me suis mis à n’écouter que ça. Depuis ce jour-là, ma passion pour cet art n’a fait qu’évoluer. Sinon quand j’étais tout petit, j’écoutais beaucoup Nino Ferrer, mon père nous faisait écouter des trucs marrants genre Bobby Lapointe. Même du Johnny ! « Les Bras en Croix », celle-là, elle m’a marqué ! Et après le rap hein. Que du rap. Beaucoup de Booba... 50 Cent aussi, j’étais un gros fan, je connaissais tout. Driss, c’était Eminem et moi, 50. J’adorais aussi Eminem hein, mais 50 Cent gros, trop de musicalité en un seul homme.

Alors comment tu es venu à faire du rap toi-même ?

NB : Un jour, j’ai vu le film Dans tes rêves avec Disiz, je suis rentré chez moi et je me suis mis à écrire mon premier texte. Je devais avoir 13 piges. Je racontais n’importe quoi, des trucs que je vivais pas du tout (rires).

En rigolant, avec mon frère, on reprenait des petits refrains où on changeait les paroles.

Sinon, c’est vers mes 15 ans que je m’y suis vraiment mis. J’ai rencontré un pote au collège et on a commencé à rapper ensemble. On se bourrait la gueule et on faisait des freestyles (rires). Vers 18 ans, je suis monté sur Paris et j’ai rencontré Mathieu (Pookey) et un autre pote Jolo, paix à son âme. Il m’a envoyé un DM en me disant : « Vous n’êtes pas chaud qu’on fasse du rap, au pire, on n’a rien à perdre » et on était super chauds avec Mathieu.

Donc on a rappé un peu tous les trois. Par la suite, Jolo n’avait pas forcément cette déter’ mais il avait une oreille incroyable et il est parti vers le journalisme. Il a écrit pour NeoBoto le mag entre autres.

C’est à ce moment-là que vous avez monté le groupe « Nino & Pookey ».

Cette période t’a permis de te trouver en tant que rappeur ou bien, tu avais déjà l’univers que tu voulais faire ?

NB : À l’époque, on avait beaucoup d’influences similaires donc ça matchait directement, on allait à peu près dans la même direction. On était quand même très Boom Bap au départ puis on s’est ouvert à d’autres choses. Au début, on faisait que du rap puis je me suis mis à faire des prods pour pousser un peu plus loin. À l’époque, il n’y avait pas de « type beat » (production originale à la manière d’un artiste, ndlr), c’était une galère de trouver des « faces A » (instrumentale originale, ndlr). Du coup, autant que je les fasse moi-même. Et en plus, je voulais aller plus loin dans ma démarche que juste faire du rap. Ça m’a permis d’acquérir plus de musicalité, de faire des mélos etc. Je me suis mis au piano, j’ai pris des cours avec un prof exceptionnel qui s’appelle Alex Aledji qui m’a appris plein de trucs cool qui m’ont permis de faire ce que j’aime. Avec Mathieu du coup, on était déjà un peu dans le style que j’exploite aujourd’hui. C’est-à-dire le filon de la mélancolie et la tristesse, finalement je suis resté là-dedans. Quand t’écoutes mes sons, tu peux penser que je suis un dépressif qui a dû mal avec la vie, mais c’est grâce à ma musique et ce que j’y mets que je peux être souriant dans la vie de tous les jours.

Tu dirais que tu « évacues » autant dans les prods que dans tes textes ?

NB : C’est une très bonne question. Je pense que dans les mélos quand tu arrives à trouver l’accord parfait, tu peux autant évacuer dans les prods que dans les textes.

Revenons sur cette période en groupe et ce qu’elle t’a apporté...

NB : Avec Mathieu (Pookey), on a commencé à sortir quelques trucs et à faire des concerts. Personnellement, ça m’a développé sur comment gérer une scène. Ça m’a permis de me lancer d’être avec Mathieu car tout seul, je ne sais pas si je me serai lancé aussi rapidement. Ça a été une super expérience et avec Mathieu, on est toujours comme des reufs, il gère beaucoup de choses pour moi.

On sent toujours sa présence autour de toi et t’as toujours marché avec la même équipe. On peut aussi parler de 3.14 qui étaient là à cette période.

NB : Ouais, ils ont beaucoup été sur mes visuels, mes clips, ils étaient là depuis le début aussi et ils sont encore là. Et on travaille autant sur mes projets que sur les leurs.

Tu disais que Mathieu gérait beaucoup de choses aujourd’hui...

NB : Ouais, il s’occupe de tout ce qui est visuels des covers, il m’aide beaucoup sur les plannings, il me motive, il me fait des retours sur la musique, ce genre de choses.

Du coup, quand le groupe s’est arrêté, tu étais chaud directement pour commencer un travail en solo ?

NB : C’était un peu spécial, moi je voulais me mettre beaucoup plus sérieusement dans le rap et Mathieu venait de finir ses études et il voulait croquer la vie à pleine dents. Quand j’ai voulu me lancer à fond, on a essayé mais on n’arrivait pas à être assez productif à deux. J’avais déjà travaillé quelques morceaux de mon côté et c’est là que j’ai fait tout mon premier EP « Vesta » et qu’on a mis le truc en pause avec Mathieu.

De base, c’était une pause pour que je puisse sortir Vesta et que lui puisse profiter, on devait se reformer mais la vie a continué son cours.

Sachant que vous construisiez vos morceaux à deux, ça n’a pas été trop difficile de commencer à tout faire seul ?

NB : Encore une bonne question, on sent la patte du mec qui fait du son derrière (rires). Au début, j’avais tendance à faire mes morceaux comme si Mathieu était encore avec moi. Je faisais un couplet, un refrain et je laissais une place au 2ème couplet. Par exemple,

« Vesta » les trois-quarts du projet, j’avais les sons avec un seul couplet pendant 6 mois. Encore aujourd’hui, j’ai plein de maquettes avec un couplet ou un refrain.

Je te comprends, c’est ma hantise de ne pas réussir à finir un morceau, parfois je finis un couplet et j’ai plus rien à dire, c’est accompli.

NB : Exactement, je sais que si je force, ce sera moins bien que le premier couplet et parfois, c’est la difficulté de se renouveler sur la même prod. Parce que sinon tu peux reprendre le même flow que le premier couplet, c’est une ligne droite, mais en général, on veut aller plus loin.

C’est là qu’on voit que ce n’est pas si facile de vraiment construire un morceau. Balancer des textes ça va, mais quand tu penses couplet, refrain, pré-refrain etc...

NB : Quand tu quittes la sphère des freestyleurs de soirée quoi (rires).

Tu penses que ça t’a aidé de faire des prods pour construire des morceaux justement et prendre les libertés que tu veux dès la création de l’instru ?

NB : Je pense que ça m’a aidé à visualiser comment faire un morceau. Pouvoir enlever des parties sur la prod et pouvoir mieux accompagner la voix. Réussir à personnaliser la prod, la calibrer parfaitement à ton texte et créer l’harmonie entre les deux. On n’est plus sur prendre un texte à coller sur une prod. Les premiers retours que j’ai eus quand j’ai commencé les prods étaient que j’avais pris du niveau sur l’ensemble même d’un morceau.

Tu fais aussi des prods pour d’autres artistes, c’est compliqué de se séparer d’une prod que tu as faite et sur laquelle tu avais déjà peut-être des inspirations ?

NB : Je prod pour d’autres gens mais c’est très rare. J’ai tendance à faire les prods et tout de suite avoir une inspi’ dessus donc quand la prod est bonne j’ai beaucoup de mal à la lâcher. Je ne sais pas comment font les mecs qui mettent des type beat sur YouTube.


C’est sûrement qu’ils ne sont pas rappeurs (rires)...

NB : Ouais, voilà et j’aime aussi avoir le contrôle sur ce qui va en sortir. Je néglige pas du tout les mecs qui font des type beat ! Y’en a qui sont tellement forts que parfois, j’ai des rappeurs qui viennent au studio avec des type beat et je pète ma tête dessus. Pourquoi il est sur Youtube et pas disque de platine ou top Billboard ? Pour mes prods, en général, c’est rarement des placements où j’ai envoyé la prod. C’est souvent des commandes ou sinon je la construis directement avec l’artiste.

Je me mets dans la tête que je vais faire une prod pour « un tel ».Une fois, j’ai envoyé une prod sur laquelle j’avais déjà posé, la personne l’a bloqué mais ne l’a pas utilisé pour le moment. C’est dommage car c’était un super placement ! C’est beaucoup de frustration car tu ne sais pas si le morceau va sortir.

Revenons sur ton projet « Vesta », tu étais fier ce premier EP solo ?

NB : « Vesta » était le premier projet où j’ai réussi à faire « ce que je voulais » et dont j’étais vraiment fier, avec des visuels excellents fait par 3.14. Même si on a tous progressé depuis, c’est un très bon souvenir. J’avais mis beaucoup d’attente et même si je n’ai pas fait de score avec, c’étaient les prémices de ce que je suis maintenant. J’ai testé plein de choses différentes, on sentait plus mes influences à l’époque mais c’était nécessaire pour trouver mon propre style. Après « Vesta », je n’ai rien sorti pendant un an et je suis revenu avec le morceau « MayDay ». C’est un titre qui est encore écouté par ceux qui connaissent ma musique. J’ai encore des retours aujourd’hui, c’est surprenant ! On était passé, avec le clip de 3.14, sur BET France avec ce son. Ensuite, il y a eu le morceau « Drink ». Il est issu de la mixtape « Kapsule Tape » de gars que j’aidais dans leurs projets à l’époque. Ils voulaient faire une tape avec plein d’artistes et leur team de beatmakers, c’est là que j’ai rencontré mon ami Timbeuh.


À partir de là, tu as commencé à sortir une série de morceaux, tu peux nous raconter un peu la démarche ?


NB : Pendant le confinement, j’ai décidé de sortir un titre par semaine. C’est encore Mathieu qui m’a bien chauffé. Il y a eu 12 tracks en tout. C’était des morceaux que j’avais déjà mais je ne savais pas quoi en faire. Je me suis dit que tout le monde était chez lui et qu’il y avait du temps pour écouter des sons, comme beaucoup d’autres rappeurs.


Et tu as conclu cette série avec un clip...

NB : Exactement, on a fait un visuel home made pour « Maquette.mp3 » qu’on a transformé en « Maquette.mp4 » pour la vidéo performance live.


Tu as l’air très attaché au fait de poser sur tes propres prods, ça t’est arrivé de poser sur des prods qui ne viennent pas de toi récemment ?

NB : Oui oui, ça m’est arrivé. Cette année, j’ai posé 4 titres de cette manière dont un qui sort le 12 décembre. Allez voir le clip « Mektoub » de Nizar (rires). J’ai fait aussi un feat avec un ami qui s’appelle Medit et son petit reuf Klin, le titre s’appelle « Flashé » dispo sur l’EP Cyber. J’ai fait l’interlude du projet « Shady Sessions » de Timbeuh. Et pour finir, le morceau « 4 Sorties » en feat avec Tydi S sur le projet TEATIME du Bon T.

Finalement, c’est surtout sur les feats et les prods de tes potes que tu vas poser...

NB : Ouais c’est ça. Après y’en a d’autres mais je suis quand même en collab’ sur la prod. Après la série de singles, t’as sorti un EP 3 titres qui s’appelle LoftMusic...

NB : Exactement, avec une cover pensé par Mathieu et réalisé par IvryZoo. On a fait un clip dessus pour le morceau « Rockefeller » qui n’a pas pris beaucoup au début.

C’était spécial, car au bout d’un an, ce morceau a été partagé dans un TikTok.

J’ai pris genre 10 000 écoutes en une semaine. Un gars m’a DM en disant que je méritais plus de visibilité et qu’il allait envoyer mes sons aux mecs qui font des TikTok sur le rap. Plus tard, je reçois un commentaire sur YouTube pour le clip et je vois ma courbe s’affoler. Je ne comprends pas, je vais voir sur Spotify Artists et là, il y a genre 30 personnes qui écoutent le son en même temps.

Et ça ne s’est pas arrêté. À mon niveau, c’était un petit succès. Voilà pour « Rockefeller ».

Du coup, on est dans ton Home Studio, tu fais aussi un travail d’ingé son où tu enregistres d’autres artistes. C’est venu naturellement de faire des sessions pour les autres ? Comment tu as commencé ?

NB : De base, j’ai pris du matos studio car j’ai bien vu ce que coutait une session.

Quand t’écoute la story, je suis un putain de rat (rires). « Ah ouais les prods ? » Bah je vais les faire moi-même. « Ah ouais ça coûte cher le studio » Bah je vais le faire moi-même (rires).

Soit t’es un rat, soit t’es juste déter’ hein (rires) !

NB : Je n’avais pas beaucoup d’argent et je me suis dit qu’au lieu de mettre 30 balles de l’heure dans des sessions, je vais acheter un micro et m’enregistrer. J’ai fait une formation de son à la SAE en assistant son. Ca ne s’était pas forcément bien passé. J’ai acheté le matos avec Mathieu de base. Au début, c’était juste pour s’enregistrer nous-mêmes, puis j’ai des potes rappeurs qui ont commencé à enregistrer chez moi. Et j’ai vraiment commencé à enregistrer d’autres gens quand un pote beatmaker m’a ramené Gendo qui est maintenant un grand ami. Gendo m’a ramené $olo. $olo m’a ramené Didi Trix puis toute la Trix Mafia. Le fait d’enregistrer Didi m’a permis d’avoir une validation de milliers de personnes. J’ai été contacté par des studios pour bosser chez eux après ça. À partir de là, j’ai décidé de faire payer les sessions parce que les sessions gratuites avec les potes c’est cool mais si je peux ramasser de la caillasse avec, c’est mieux. J’ai enregistré d’autres gens, et généralement, ils sont contents du résultat. Je préviens toujours que ça reste un home studio. Au final, moi je propose un tarif qui les arrange et eux ne me demande pas un résultat similaire à un énorme studio, tout le monde trouve son compte.

Si tu as reçu des propositions de boulots par d’autres studios, pourquoi avoir fait le choix de rester dans ton studio à toi ?

NB : Au niveau des tarifs, je gagnais mieux en étant chez moi, donc le choix était vite fait. Après, j’ai eu une proposition pour aller travailler chez AWA Gang, le label de Didi Trix, mais au final, ça ne s’est pas fait. On a bossé ensemble sur des séminaires de Didi mais c’est tout.

Tout ça nous amène à ton dernier projet « N.B » qui est sorti cette année.

Tu peux me parler de sa conception ?

NB : C’est un EP un peu spécial car ce n’est pas une création sur mesure comme les autres. J’avais plein de sons en stock et je voulais sortir un projet. J’ai donc constitué un EP avec des morceaux d’époques différentes en essayant de créer un univers cohérent. Il y avait des évidences, on voulait sortir « RainDrop », « Periph » et « Merveilles » dans le même projet, et d’autres où ça a beaucoup bougé.

Et maintenant, pour la suite, ça repart sur un an de pause ou... (rires)


NB : J’ai beaucoup posé sur les projets des autres. Cet été, on a fait un gros clip réalisé par mon frère Driss pour le prochain projet. La tracklist est actuellement finie comme tu le sais vu que tu l’as écouté tout à l’heure (rires), si tu veux mettre un petit compliment, n’hésite pas (rires) !

En vrai, y’a moyen que ce soit ton meilleur. Dans la globalité, je pense que tu vas ramener plus de gens vers ta musique sur la durée avec cet EP.

Y’a des ouvertures qui vont aller titiller deux-trois oreilles (rires).

NB : J’espère en tout cas ! Sinon, je suis en plein travail sur pas mal de choses. On prépare un projet ave Timbeuh à la prod, on aimerait un EP 3 titres, court et concis. Et puis, mon prochain projet pour lequel on a fait le clip. On aimerait démarcher des labels pour celui-ci, mieux s’entourer pour la sortie, la distrib’ et la promo car j’ai peu de temps pour le faire.


Interview faite par Benjamin Germany

Crédit photo@ivry.zoo

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