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RENKONTRE AVEC LOUISE CONDEMI

L’un de ses courts-métrages est disponible sur Arte et elle a travaillé sur Skam France.. rien que ça ! Et, malgré son emploi du temps bien chargé, Louise Condemi a tout de même tenu à répondre aux questions de KASBAH. Un entretien dynamique et enrichissant, qui vaut la peine d’être lu !

Peux-tu te présenter ?

Louise : Aujourd’hui, je suis scénariste et réalisatrice.

Je n’ai pas directement commencé par le ciné. J’ai fait une prépa lettres, en mode bonne élève, en ayant déjà le cinéma en tête. Ensuite, j'ai rejoint la fac en théâtre avec un parcours cinéma. Et puis j’ai fait un Master de cinéma à Paris I (scénario, réalisation, production), qui est assez vaste. En M2, on était encouragé à développer des projets documentaires. Et j’ai développé mon scénario de court-métrage, qui a été mon deuxième court-métrage produit.

J’ai aussi participé aux projets de certains potes qui étaient dans la promo. C’était le vrai truc cool de cette formation : on avait une culture cinéma qui se rejoignait. Ç’a été cool de se lancer avec eux.

En étant à la fac, j’ai réalisé un premier projet qui s’appelle Une tasse de chlore, qui était auto-financé. Je me suis dit que j’allais faire un premier film très fort pour voir si j’aimais ça. Déjà, c'était un peu galère de tourner à la piscine ! (rires) C’était un peu ambitieux que ce que je pensais. Ç’a été un gros projet pour moi à l’époque.

C’était ma petite sœur qui jouait dedans : c’est une fille qui allait à la piscine dont on entend les pensées en voix off. On comprend qu’elle est mal dans sa peau. Elle a cette obsession de son corps et de voir celui des autres. En gros : on suit toutes ses aventures dans sa tête.

Après ça, je me suis dit que j’avais envie d’en réaliser un autre où il y aurait des dialogues. J’avais envie d’aller un peu plus loin. Et en sortant de la fac, j’ai réalisé Romance, qui était le scénario que j’avais écrit à la fac. J’ai aussi développé Malaisant un peu dans mon coin. C’est comme ça que je me suis formée toute seule, plus concrètement en tout cas.

Pendant que Malaisant commençait à être un peu en développement, j’ai été contactée par une autre qui s’appelle Déborah Hassoun, et qui dirigeait la saison 9 de Skam France. Elle avait vu mon court-métrage et elle s’est dit que je pouvais être un bon élément pour la saison 9 qui est sur une rupture amoureuse. Ç’a été à partir de ce projet-là que j’ai vraiment pu dire que j’étais à la fois scénariste et réal quoi.

Réponse trop longue (rires).

Il t’a fallu ça pour que tu te sentes légitime ?


Louise : Oui, et puis pour que j’aie la ligne de CV. Et puis, c’est la première fois que j’écrivais des dialogués… J’ai passé un cap professionnellement. Un cap réel.

Ça permet aussi de confirmer que j’aimais bien ce métier.


Petit retour en arrière : tu te rappelles ton premier contact avec le cinéma, la réalisation ?


Louise : Je pense que c’est quand j’ai fait un stage au Cours Florent quand j’étais en première. Pour la première fois, il y avait vraiment une culture cinéma qui était abordée, même si je ne connaissais aucun des films dont on parlait (rires). Plus jeune, j’ai beaucoup vu Les demoiselles de Rochefort qui était mon film de référence. Sinon, j’ai beaucoup vu des films de série B, comme Lolita malgré moi… Non, je n’avais pas vu de Kubrick à trois ans (rires). Ce stage m’a permis de découvrir pleins de films et de me rendre compte que c’était un médium qui me touchait. Je pense aux films d’Almodovar qui sont hyper colorés et fun. Pourtant, ils sont reconnus comme étant de bons films. Je peux faire un art qui me fascine, et c’est un peu comme si tu rencontrais quelqu’un qui te ressemble un peu et je me suis dit qu’il avait un truc à faire dedans. En toute humilité ! C’est vrai qu’il y a une telle fantaisie chez Almodovar que ça m’a attiré.

Et ce stage, il t’a aidé à avoir des références vers lesquelles te diriger ?


Louise : Moi, c'était un peu toute seule du coup. Après, j'ai eu une boulimie où j’essayais de regarder pleins pleins de films. Et puis ça s’est fait en étant à la fac et en rencontrant aussi des gens, des potes qui faisaient des films. Bref, j’ai ouvert ma culture cinéma pendant longtemps.

Le fait que tu aies construit cette culture cinéma sur le tard, est-ce que tu n’as pas eu cette crainte d’en savoir moins que les autres ?


Louise : Quand on nous demandait comment on avait construit notre culture cinéma, je me rendais bien compte qu’on n’avait pas tous les mêmes réponses. Et en même temps, il y avait un truc où j’allais amener quelque chose de différent. J’avais tellement envie d’en faire que je m’en fichais un peu. Quelque part, ça a un peu tiré mes projets vers le haut.

Je me souviens que quand j’ai entendu l’interview de Xavier Dolan qui a dit que son film préféré, c'était Titanic, je me suis dit : ‘Ah ben détente ! On n’est pas obligé d’avoir des réfs incroyables !’.

Et je sais qu’au départ la voix off, c’était un truc que j’assumais pas trop. Et finalement, je me suis réconciliée avec ça.


Tout à l’heure, tu parlais de ton premier projet ‘Une tasse de chlore’, qui est sorti en 2017. Comment l’idée t’es venue ?


Louise : J’avais l’envie de faire un film. Mais j’avoue qu’au début, j'ai trouvé ça dur : il y avait vraiment un truc d’anxiété sociale à dépasser. Parce qu’au départ, je créais des films dans mon coin.

La manière très concrète de déclencher le projet, ç’a été de me dire que j’allais écrire un film très court, dans un seul endroit, que je tournerai avec ma sœur, l’été qui venait. Je me disais ‘voilà comme ça, c'est fait’. Et donc ç’a été ce cadre, de faire un film rapidement, cet été-là qui m’a aidé à faire venir un film qui était très simple, mais qui en même temps me ressemblait beaucoup.

En plus j’avais un peu une pression autour du premier film. On a toujours l’impression qu’il faut chercher des grands sujets, et finalement avoir ce cadre de simplicité ça m’a aidé. Et puis il y avait des envies : l’envie du décor (la piscine), l’envie de travailler avec ma petite sœur.


Pour ce qui est du thème, pourquoi avoir choisi quelqu’un qui est mal dans sa peau ? Est-ce que c’est quelque chose que tu as vécu, que tu as remarqué ? Ou est-ce que tu essayais de toucher un maximum de personnes ?


Louise : Non. Pour moi ç’a vraiment été quelque chose d’intuitif. En ayant ce cadre, ce décor, cette comédienne… En fait, c’était une envie d’aborder l’idée de ‘lose’. Je me disais que si j’avais un truc à raconter, c’était ce sentiment-là. Et en fait c’étaient des choses très personnelles quoi.

C’était un plaisir de faire le film, un plaisir de suivre ce personnage. Il y avait aussi une envie d’un genre d’image.

Et ce n’est qu’une fois que le film a été terminé, et qu’il a été reçu, que je me suis rendue compte qu’il y avait un peu ce truc de grossophobie intégrée, d’obsession du corps chez les jeunes filles. Et aussi cette voix dans ta tête qui ne s’arrête jamais. Mais c’est aussi un truc avec lequel j’ai tellement grandi que je n’avais pas encore un propos dessus.


Et c’était le même processus dans ‘Malaisant’ ? Est-ce que tu as simplement parlé de quelque chose que tu connaissais, sans absolument chercher à toucher les gens ?


Louise : En tout cas, ce qu’il y avait de commun avec Une tasse de chlore, c’était de partir d’un cadre, et l’envie de faire, l’envie de fabriquer un objet. Et comme j’avais cette pratique des stories avec une forme d’humour que j’utilisais pour combattre ma timidité, je me suis dit que ce serait marrant de faire une série à partir de ça.

Et puis il y avait ce truc où je me disais que ce serait bien que ce soit des personnages timides, parce que c’est pas du tout ce qu’on voit sur Insta. Et comme il y a une telle spontanéité dans le geste de la story, ils vont pouvoir raconter ces choses qu’on ne dit jamais. Et pour moi ce sont des sujets qui prennent beaucoup de place. Je pense que ça peut être le sujet de l’anxiété sociale, où tout est un stress. Je me suis dit que c’était à la fois un enjeu de raconter une histoire, et de chercher aussi à comprendre ce qui se passe dans la tête de personnes timides. Avec en plus ce truc un peu fort : ils étaient puceaux tous les deux à 22/23 ans. Ça me paraissait intéressant.

Et puis l’atmosphère et le côté coloré des personnages amenaient ce ton un peu décalé. Pour que le spectateur n'ait pas à se dire ‘ah ouais, c’est quand même dur ce qu’ils vivent’. Il y a quand même de l’émotion, mais j’évacue le drame.


De manière générale, tu t’inspires de quoi pour réaliser tes projets ?


Louise : Je pense qu’en général, je m’inspire de choses que j’ai vécues, et qui sont douloureuses pour moi. Quand d’un truc il y a un truc qui fait que je ne me sens pas à ma place. Et ça me fait remarquer les autres qui sont différents de moi, parce qu’ils sont tellement à l’aise. Donc, ils m’inspirent aussi.

Quand je prépare les films, j'ai aussi beaucoup de références. Je m’inspire du cinéma.


Quels-sont les films qui t’ont marqué ?


Louise : Il y a un film que j’aime beaucoup qui s’appelle Travolta et moi. C’est un moyen métrage réalisé par Patricia Mazuy. C’est un film sur des ados. Et il y a ce truc où les émotions du personnage sont vraiment pris au sérieux.

Il y a aussi les films de Kechiche, même s’il est un peu controversé. Mais dans son cinéma, il cherche à capter ce qui se passe de très exaltant et de très simple dans le fait d’être en vie…

Et il y en a pleins d’autres…


Est-ce que tu as des conseils à donner à ceux qui veulent se lancer ?


Louise : C’est important de réaliser ses propres projets au début. D’écrire quelque chose qui nous ressemble. Un court-métrage ou une web série. Et sinon je dis un peu oui à tout. Ça permet de sortir de cette forme de solitude qui existe sur les projets, l’attente de la réalisation.

Il faut aussi essayer de rencontrer les bonnes personnes. Je pense qu’on connaît tous des gens. Ne serait-ce que par le biais d’un stage. Il faut parler aux gens, garder contact.


Interview faite par Elodie Gros Désir

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