Renkontre avec Julie Hoyas
- Elodie Gros-Desir
- 17 févr. 2023
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 18 févr. 2023
Passionnée et passionnante, Julie Hoyas est revenue avec enthousiasme sur son amour pour l'illustration. Avec Kasbah, elle a évoqué sa premiere rencontre avec le dessin, ses inspirations et sa manière d'appréhender son art. Un entretien édifiant, qu'on a tenu à partager avec vous.

Peux-tu faire une rapide présentation ? (d’où tu viens, ton domaine artistique, ton parcours étudiant/familial -seulement si tu veux en parler-, ce que tu fais actuellement...)
Julie : Je m’appelle Julie Hoyas, je suis illustratrice et je vis à Bruxelles. J’ai eu un parcours scolaire un peu chaotique avant de faire des études de graphisme à Saint-Luc Bruxelles. De là je me suis mise à mon compte en tant que graphiste/illustratrice, pour ensuite ne plus faire que de l’illustration. C’est ce que je préférais faire et c’est surtout ce que je faisais le mieux.

Après 2 ans, le manque de stabilité financière me poussa à postuler en agence. C’est là que j'ai intégré l’équipe du studio Squarefish à Bruxelles, en tant qu'illustratrice pour le motion design. J’ai réalisé un grand nombre de storyboards et d'illustrations aux styles très variés tout en gérant la direction artistique de différents projets. En parallèle j’ai continué à dessiner pour moi, en m'émancipant doucement de l’illustration vectorielle pour me focaliser sur Photoshop. J’ai exploré les possibilités du rendu numérique, tout en explorant mon univers graphique et artistique. Ma soif de nouveaux projets et de liberté créative m'a poussée à quitter Squarefish après 6 ans d’activité. Je serai à nouveau freelance au printemps 2023. Entre-temps, je me suis remise à faire de l’illustration plus traditionnelle. À voir comment j’intègre celà dans ma pratique pour la suite...
Te souviens-tu de ta première « rencontre » avec le dessin/la peinture ?
J : Toute jeune, j’ai le souvenir de petits dessins que faisait ma mère quand elle parlait au téléphone. C'était de beaux visages féminins très élégants et qui me fascinaient. Je voulais absolument réussir à faire la même chose et je m’entrainais beaucoup. Ayant elle-même une fibre artistique, ma mère m’inscrit vers 6 ans à des ateliers créatifs chez Pascale Goffaux. Une artiste très gentille qui faisait découvrir aux enfants un panel de techniques différentes. Un de mes dessins fut publié dans le journal local. C’était une reproduction de “la femme au chapeau poisson” de Picasso. Ma mère était très fière, évidemment.
Qu’est-ce qui t’as poussé à te lancer ?
J : Depuis l’enfance on m’a prédit un avenir de “dessinatrice”. Je dessinais tout le temps, mais je ne voulais pas en faire un métier. Je ne savais même pas que c’était réellement possible. Je voulais être psychologue. Mais n’ayant jamais réussi à m'épanouir dans le système scolaire, j’ai dû me résigner quant au fait que la seule chose que j’ai jamais su faire, c’était de dessiner. Ma scolarité a d’ailleurs pris un tournant très positif quand je me suis tournée vers le secteur artistique. À partir de là j’ai compris que je n’avais pas d’autres choix que de continuer.
Qu’est-ce qui t’inspire pour tes compositions ?
J : Si on parle de composition graphique, je suis très sensible à l’harmonie visuelle. J’aime quand les choses sont bien balancées, équilibrées. J’essaie de trouver le bon dosage entre chaos et rigidité. Si on parle des thématiques que j’aborde, je me laisse guidée par mes obsessions du moment... Je me raconte mes propres histoires pour tenter de trouver du sens. La nature prend également une place importante dans mon travail et mon imaginaire. Comme si elle était la synthèse de nos sentiments les plus brûlants et primaires. Je suis aussi très sensible à la cause animale, à voir comment j’articulerais çà dans mon travail plus tard...

Parfois, tes dessins ont une dimension plutôt sombre, y-a-t-il une raison ? A l’inverse, qu’est-ce qui fait que sur certaines périodes ils paraissent plus
« gais » ?
J : Bien qu’étant vive et souriante j’ai un tempérament assez mélancolique. J’ai longtemps essayé de fuir mes humeurs pour finir par les laisser vivre dans mes images. Ça m'aide à les canaliser, à en faire quelque chose de beau, à prendre du recul... en principe. À l’inverse, je me sens habitée par une flamme ardente de vie. Je suis très sensible aux ambiances lumineuses, sonores, et colorées. Ça m'anime de l’intérieur. C’est une quête de tous les jours.
Quels messages cherches-tu à faire passer à travers ton art ?
J : Si on parle de mes projets perso, chaque illustration a son message. Un message introspectif, qui n’existe que pour lui-même. Après avoir accouché d’une histoire, l’objectif pour moi est de savoir la raconter. Transmettre une émotion, toucher l’autre. C’est aussi beau que c’est douloureux de vivre, et il y a quelque chose de magique entre deux individus qui se partagent des sentiments complexes. Parfois je suis bouleversée en voyant une œuvre, sans que cette œuvre ne me soit spécialement destinée. Il se crée alors comme une connection indicible. C’est tout ce que je peux souhaiter de mieux.

Quand tu t’es lancée, t’es-tu inspirée d’artistes ?
Si oui, lesquels ?
J : J’ai toujours été fascinée par les films d’animation. Et dans ma période d’apprentissage à l’illustration digitale j’ai beaucoup regardé (entre autres) les travaux de Genndy Tartakovsky, Eyvind Earle et Mary Blair. J’avais besoin d’apprendre et de comprendre comment réaliser une image forte. Ça m'a beaucoup appris. Je suis fascinée par leurs choix colorés, leur manière de synthétiser la lumière, de créer des atmosphères denses sans être chargées.
En dehors des inspirations, j’ai aussi eu pas mal de “crush” artistiques dans ma vie. Actuellement j’aime énormément le travail d’Eleanor Taylor, Oda Iselin et Linnea Sterte. 3 femmes qui se racontent au travers d’une nature riche et poétique. Chez chacune je vois la nature comme un individu à part entière, avec leur part d’ombre et de lumière. Ça m'émeut beaucoup et résonne en moi.
Y-a-t-il d'autres domaines artistiques que celui dans lequel tu exerces qui te passionnent ?
J : La musique. Si je ne savais pas dessiner j’aurais tenté de faire de la musique. C’est le plus puissant vecteur à émotion qui soit. Elle est quasi omniprésente dans mon processus créatif et dans ma vie.
As-tu un conseil à donner aux personnes qui souhaitent se lancer dans l’art ?

J : Vis-à-vis de soi-même, travailler beaucoup et être patient. On vit dans un monde ultra rapide et on a le sentiment de devoir réussir très vite, très tôt. En réalité, vous pouvez créer toute votre vie et ça serait dommage de s’enfermer. Travaillez, explorez, écoutez-vous, suivez votre intuition. Et si vous voulez essayer autre chose, changez ! Demain vous ne serez plus tout à fait la même personne qu’hier. Pour vos créations c’est pareil.
Après, se lancer dans un secteur artistique dans le but d’en vivre, c’est différent. En tant qu’illustrateur.rice quand on lie sa création à une activité professionnelle, il faut souvent inclure d’autres intervenants dans l’histoire. À moins d’avoir acquis une notoriété vous assurant stabilité financière et liberté créative, ce n’est pas toujours facile. Soit vous vous épanouissez dans le travail de commande, et vous aimez le challenge que c’est de vous approprier un sujet et de vous exprimer aux travers des consignes d’un tiers. Soit, vous pouvez dissocier votre création, avec la partie plus professionnelle d’un côté et la partie plus personnelle de l’autre. Vous pouvez aussi lier votre activité à un job alimentaire stable. Comme ça vous aurez moins de pression vis-à- vis de l’argent. Il n’y a pas de situation parfaite, si ce n’est celle qui vous conviendra le mieux à l'instant T. Je crois qu’il y a quelque chose d’intime et de magique dans la création. Si on ne s’écoute pas ou si on ne se respecte pas ça peut faire des dégâts. Donc suivez votre intuition et prenez du plaisir dans ce que vous faites.
Si tu veux ajouter quoi que ce soit d’autre, n’hésite pas !
J : Merci beaucoup pour cette interview, longue vie à Kasbah !

Interview faite par Elodie Gros Désir
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