True crime : pourquoi fascine-t-il autant ?
- Elodie Gros-Desir
- 9 avr. 2023
- 3 min de lecture
Dhamer, Le serpent, L’arnaqueur de Tinder, Candy, Dopesick… Aujourd’hui, nombreux sont les films et séries qui traitent de faits divers. Et tout y passe. Sur les plateformes, on retrouve des scénarios allant de l’arnaque ingénieuse (ou non), au quotidien de tueurs sanguinaires. Leur point commun : ils exercent une fascination démesurée sur le public. Mais comment expliquer cet attrait de plus en plus répandu pour le morbide ?

Plus les années passent et plus le true crime (littéralement ‘crime réel’) a bonne presse auprès du public. Conséquence : les films et séries inspirés de faits réels inondent désormais les plateformes SVOD. L’une des dernières en date, Dahmer. Une série de dix épisodes qui nous plonge dans le quotidien de Jeffrey Dahmer, tueur en série qui a sévi entre les années 70 et 90. Son passe-temps favori : traquer des adolescents et des jeunes hommes, les attirer chez lui, les violer, les tuer… voire commettre des actes nécrophiles sur leurs dépouilles. Bref, rien de bien reluisant.
Pourtant, à sa sortie, la série rencontre un énorme succès. Sur les réseaux sociaux, tout le monde en parle. Au bureau, les conversations des pauses cafés tournent autour des crimes sordides du tueur en série. On les détaille, à grand renfort d’expressions de dégoût certes, mais on en parle tout de même. Comme si, malgré la répulsion qu’il nous inspirait, on ne pouvait pas s’empêcher d’être intrigué, voire pour certains, fasciné par Jeffrey Dahmer.
Quelques années plus tôt, le même engouement avait accueilli la sortie du Serpent. Cette fois, il s’agissait d’une série retraçant une partie de l’histoire de Charles Sobhraj. Charles Sobhraj qui était un escroc et tueur en série qui aurait assassiné pas moins d’une trentaine de personnes.
L’être humain, de plus en plus morbide ?

Il y a quelque temps, Vice s’est entretenu avec Ariane Bazan, psychologue et docteure en analyse neuropsychologique. L’objectif : comprendre la raison de cette fascination pour le glauque, l’horreur.
Étonnement, la professionnelle n’adopte pas un discours alarmiste concernant cet attrait pour le true crime. Au contraire, elle le décrit comme un « exutoire civilisé ». Ainsi, regarder des séries relatant des crimes d’une horreur sans nom reviendrait à assouvir ses pulsions sadiques masochistes. Des pulsions que chacun d’entre nous renferme en lui, mais que l’on « contente » en consommant ce genre d’histoires, sans pour autant nuire à la société.
Et cette attitude ne date pas d’hier. De tout temps, les personnes ont toujours eu un fort attrait pour les faits divers. Il n’y a qu’à voir la foule, massée devant le tribunal lors du procès de Ted Bundy en 1976. Une histoire, qui là encore, a été retranscrite à l’écran. Hommes comme femmes, ils étaient fascinés par cet homme. Comment une personne d’apparence si « normale », avait-elle pu se laisser aller à commettre des crimes d’une telle atrocité ? Peut-être s’attendaient-ils à voir un monstre à la place de cet homme qui, de l’avis général, était extrêmement séduisant.

Une manière d’apprendre à se protéger
Autre hypothèse d’Ariane Bazan : consommer du true crime nous donne la possibilité de réfléchir. En s’immergeant dans le quotidien de ces tueurs en série et de ces arnaqueurs, on espère comprendre comment éviter de se retrouver à la place de leurs victimes. « Vous élaborez un plan pour que ça ne se termine pas forcément de façon aussi désastreuse pour vous », explique la docteure. « Le true crime aide à comprendre les situations qu’on craint et nous donne un sentiment de contrôle ».
Ariane Bazan analyse sa montée en puissance comme un phénomène politique. Selon elle, depuis une vingtaine d’années, on a ce sentiment persistant « que le mal a augmenté dans l’intimité de nos foyers ». Par conséquent, on ressent la nécessité de contrôler la peur. Là encore, on revient à la notion d’exutoire.
Sa conclusion est la suivante : le true crime a définitivement sa place en tant que genre à part entière. Comme elle l’explique, « C’est un moyen de faire dire quelque chose qui ne serait pas dévoilé autrement. Le fonctionnement de certaines institutions ou de réseaux souterrains, par exemple ». De plus, il permet d’aborder des problématiques de manière transparente tout en touchant un public conséquent. D’où le succès qu’il rencontre auprès du plus grand nombre.
Article écrit par Elodie Gros Désir
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