KASBAH & CHILL : TITANE
- Inès Baalouche
- 2 août 2021
- 3 min de lecture
Vous le savez peut-être, Titane c’est le film controversé qui s’est vu décerner la palme d’or cette année au Festival de Cannes.

Après le succès indéniable de Grave (dont nous avons également fait une petite critique ici (https://www.kasbahparis.com/post/kasbah-chill-grave) Julia Ducournau revient, comme à son habitude, pour remuer nos estomacs et jouer avec nos tripes.
Titane, c’est l’histoire de Alexia (Agathe Rousselle), danseuse de nuit qui, après avoir commis plusieurs meurtres inexpliqués, se fait passer pour le fils d’un pompier disparu depuis 10 ans, dont la tristesse le submerge tellement qu’il accepte cet étrange mensonge et ferme les yeux.

Le synopsis est aussi déroutant et étrange que la plongée dans le film elle-même, et Julia Ducournau ne pâlit pas d'une chose: c’est l’ajout constant, dans ses films, d’un élément inexplicable, presque surnaturel, que personne ne remet en question, pas même ses personnages.
Parce que Titane, qu’est-ce que c’est ?
Dans son essence, le titane (ou titanium), c’est un métal de transition léger, hautement résistant à la chaleur et à la corrosion, donnant des alliages très durs souvent utilisés sous forme de prothèse. Dans le film, plusieurs aspects nous annoncent l’explication du titre.
Tout d’abord, Alexia, lorsqu’elle était petite, a eu un accident grave, dont découle l’ajout d’un implant de titane dans une partie de son cerveau. Il en reste d’ailleurs une marque indélébile représentée sous la forme d’une cicatrice stylisée, que la réalisatrice ne cesse de nous montrer et qui est clairement la signature du personnage.

Alexia, prédatrice sexy, aux allures de personnage de jeux vidéo objectifié, possède un caractère difficile à déchiffrer. Nous ne savons ni qui elle va tuer, ni pourquoi elle le fait. Nous ne savons rien de ce qu’elle ressent.
Et bien que cette “robotisation” du personnage instaure chez le spectateur un manque évident d’empathie, cela en devient plutôt “fun” de la regarder s’engouffrer dans des situations peu communes, jusqu’à les rendre ridicules.
Car, Julia Ducournau arrive tout de même, avec brio, à rendre des situations, non pas seulement malaisantes et visuellement dures à regarder, mais surtout très drôles !
Titane, c’est aussi deux mood différents en termes de linéarité scénaristique. Nous sentons réellement que le film prend un nouveau tournant au moment où Alexia se fait passer pour le fils de Vincent, un pompier un peu brute de décoffrage, mais sincèrement bienveillant.
Nous retrouvons avec plaisir une Garance Marillier un peu plus osée que son personnage dans Grave et un Vincent Lindon, exquis, en pompier inconsolable.

Un personnage également complexe et multi-facettes qui permet de révéler un aspect de la personnalité de Alexia auquel, justement, nous n’avions pas ou peu encore été introduits jusque-là: un besoin d’être aimée et acceptée par une figure paternelle.
Julia Ducournau nous renvoie au complexe d’Electre (référence au lien entre un père et sa fille/ parallèle au complexe d’Oedipe) sublimé par la transformation physique totale de Alexia.
Agathe Rousselle, dont c’est le premier rôle au cinéma, en devient étrangement méconnaissable et son personnage, jouant avec féminité et masculinité, est d’une radicalité électrifiante. Des scènes perturbantes, autant par leur idéologie que par la démonstration brute de certaines situations.
Un personnage, rarement introduit au cinéma, expose un film osé, qui est clairement la preuve de la créativité infinie de la jeune réalisatrice, même s’il ne fait pas l'unanimité.
Encore une fois, comme Grave, il fait parler de lui et crée, chez le spectateur, des images fortes, en rapport avec le corps, la sexualité, l’animalité, difficiles à effacer de sa mémoire.
● Les + :
Un plan séquence, en début de film, impressionnant, riche en textures
Une direction artistique du tonnerre
Un personnage féminin androgyne, stylisé et intriguant
● Les - :
Une étrangeté scénaristique
Un manque d’informations sur les desseins du personnage
Des scènes dures et malaisantes
Article écrit par Inès Baalouche
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