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Kasbah & Chill : I May Destroy You

I May Destroy You est une série britannique écrite, réalisée et produite par la talentueuse Michaela Coel, en 2020.



La série suit, en douze épisodes plutôt déconstruits mais fonctionnant comme un chemin vers la reconstruction, la vie quotidienne de Arabella Essiuedu, écrivaine noire à succès qui, le lendemain d’une soirée londonienne arrosée, se remémore des images violentes suggérant qu’elle a été victime d’un viol.

Elle tente, tant bien que mal, avec l’aide de ses deux meilleurs amis Terry (Weruche Opia) et Kwamé (Paapa Essiedu) de se rappeler, de déconstruire, de communiquer et ainsi de vivre après cet événement traumatisant.

Il faut savoir que Michaela Cohen a elle-même été victime d’une agression sexuelle lorsqu’elle tournait, à l’époque, dans la série Chewing-Gum qu’elle a également crée en 2015.

C’est de cette manière qu’elle a créé I May Destroy You (“Je pourrais te détruire”) qui, en soi, est intéressant parce qu’il énonce une conditionnelle: “je pourrais te détruire...'', induisant un: “mais je ne le ferai pas”.

Et, cela implique, de la part de la réalisatrice, un besoin viscéral de discuter et de comprendre mais pas nécessairement de punir, bien que le terme “destroy” (“détruire”), qui est un mot fort, implique une colère évidente.

Or, c’est précisément ce qui fait la tonalité vibrante et même humoristique (parce que malgré le sujet, c’est drôle !) de la série, qui n’est pas seulement un récit sur le viol mais se sert de ce dernier comme moteur dont découlent des conversations multiples sur le consentement, et sur les nombreux non-dits sociaux en rapport avec la sexualité.

Véritable reine des réseaux sociaux, Arabella les utilise comme une forme de thérapie, et comme moyen de communiquer sur tous les types sociaux, masculins/ féminins, hétérosexuels/homosexuels.

Décousue, parfois floue et saccadée, tenant Arabella non pas pour victime mais comme investigatrice résolue et obstinée, la série est très justement rythmée par le point de vue de cette dernière. Il ne s’agit pas, comme la plupart des histoires de viol de rechercher le criminel absoluement, mais d’exposer le personnage à une quête personnelle face à une telle situation. La volonté de trouver un coupable est écrasée et remplacée de manière bienveillante par une introspection nécessaire pour continuer de vivre sa vie.

Comment la réalisatrice s’y prend-t-elle ?


Il y a évidemment une volonté de montrer la guérison par l’Art, et principalement l’écriture. Arabella est autrice et a déjà sorti un premier opus à succès.

Ses réflexions et son fil de pensée passent nécessairement par l’écriture dont elle se sert possiblement comme moyen de soulagement. L’autre ingrédient dont elle nous parle pour extérioriser et guérir, c’est le lien social. Le vrai. Pas uniquement celui des réseaux.

Elle nous parle de l'amitié à son paroxysme. Et c’est un point de vue rarement abordé par les créateurs lorsque des sujets comme celui-ci sont mis en exergue.

Terry et Tess, les deux meilleurs amis de Arabella, servent le propos de la série de manière exemplaire. Tous les deux également noirs, Kwamé est homosexuel et passe sa vie sur Grindr, enchaînant les conquêtes sans lendemain, jusqu’à ce qu’un soir, un rencard un peu

“expérimental” tourne mal.


Ce qui remet en question absolument tout son rapport à la sexualité, aux relations, et à ses besoins personnels. Terry, quant à elle, est la meilleure amie solaire, pleine de peps et d'énergie, dont le plus grand rêve est de devenir actrice, mais dont les castings s’enchaînent difficilement à cause du fait qu’elle soit “racisée”.

Un groupe de personnages qui est un des plus pertinents qu’il m’ait été donné de voir dans l’histoire de la série.

Tous les trois ayant un bagage familial, personnel, émotionnel différent, de même qu’une identité différente, et c’est justement ce que la réalisatrice énonce. Il n’y a pas de problème plus grave qu’un autre, il n’y a pas de situation plus lisse qu’une autre.

Le débat sociétal sur les tabous et le consentement est également étoffé de manière très subtil.

Des situations développées à travers le parcours de chacun de ces personnages telles que: “un individu enlève sa capote pendant un rapport sexuel consenti, alors qu’il ne prévient pas lorsqu’il le fait” ou encore “deux individus font semblant de se rencontrer dans un bar afin de proposer à une femme de faire un plan à trois”, ou encore même : “un individu homosexuel couche avec une femme hétérosexuelle pendant un premier rencart, dans le but de se retrouver et de se comprendre”.


La réalisatrice récupère tous les points de vue, et exprime, avec une maturité flagrante, un besoin de communiquer et de comprendre ce qui fait nos comportements actuels autour de la sexualité.



Les + :

  • Une écriture de génie: La série a été récompensée en juin 2021, aux Bafta de la télévision pour meilleure mini série et meilleure actrice pour Michaela Coel

  • Des performances d’acteurs sincères et grandioses

  • Une invitation au débat et à l’ouverture d’esprit

  • Probablement ma série préférée depuis sa découverte !

Les - :

  • Un sujet difficile et sensible

  • Des tabous

Article écrit par Inès Baalouche

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