KASBAH & CHILL : FIBONACCI MADE ME HARDCORE
- Inès Baalouche
- 13 oct. 2021
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 14 oct. 2021
Le 4 septembre dernier a été projeté pour la toute première fois, dans la salle du 3537, à Paris, le film Fibonacci Made Me Hardcore réalisé par le talentueux couple d’artistes, Marie Meyer et Patric Kuo.

À l’occasion de la sortie du film, la Kasbah Team a rencontré Marie Meyer pour qu’elle nous parle de l’envers du décor de son film, entièrement autoproduit, qui leur a valu plus d’un an de travail.
Fibonacci Made Me Hardcore est un court film d’une vingtaine de minutes, suivant le mouvement et les moods d’un groupe de danseurs éclectique dans une ancienne station de train appelée l’Aiguillage, à Ivry-sur-Seine.
Quelle est la référence principale du film ?
Marie Meyer: L’une de nos grandes références pour faire ce film a été Mark Leckey, un artiste anglais dont la spécialité consiste à faire du *patchwork vidéo (assemblage de petits morceaux d’une œuvre) de scènes de rave des années 80,90 à Londres et en Europe.
Ce qu’on a voulu faire et qui se rapproche, à ce niveau, du travail de Leckey, c’est de montrer par le biais de nouveaux et d’anciens outils, comme la VHS, ces moments où les gens allaient sur le dancefloor et perdaient peu à peu leur identité, tout en se retrouvant à la fois.
Le film est donc, en ce sens, plus une forme d’expressivité artistique, mêlée au documentaire ou au clip, qu’un film narratif, où il y a une véritable histoire.

Comment l’idée du film a-t-elle vu le jour ?
MM: Patric Kuo et Eugene Ward (qui a fait la musique du film) se connaissent depuis l’école en Australie, et ont longtemps eu pour projet de s’inspirer des réf de Mark Leckey.
L’idée principale a été de revisiter cette référence et de l’inclure, à la manière d’un pastiche, à une nouvelle scène de danseurs, des nouveaux moyens technologiques, une nouvelle conception du montage.
Quels ont été les outils pour faire le film ?
MM: Le film a été tourné à l’aide de 5 caméras simultanément placées sur une même scène, de sorte à ce que nous ayons le choix sur nos prises et les points de vue.
Nous avons utilisé deux caméras VHS, une SONY, une BOLEX, et une OSMO qui donnent toutes au film des textures variées.
Qui sont les danseurs du film et comment ont-ils été gérés sur le plateau?
MM: Par le biais d’un casting sauvage, nous avons sélectionné un mix de connaissances de Patric, donc plutôt des danseurs, et de mon côté il s’agissait plutôt de mannequins/acteurs (Marie est aussi réalisatrice/mannequin).
Ce qui a donné un équilibre au film, en incluant des gens qui dansent professionnellement (des vogueurs, des streets dancers) avec d’autres, dont ce n’est pas du tout le métier.
C’était vraiment un choix de ne pas avoir que des danseurs sur le plateau car je n’ai pas cherché à mettre en valeur une danse “parfaite” et encadrée.

La manière dont je travaille généralement est plutôt de laisser sa liberté à chacun, toujours caméra à l’épaule, la caméra devient complice de la danse.
C’est pour ça que je ne peux pas vraiment parler de “gestion” sur le plateau, mais vraiment de purgation des énergies de chacun.
Je prenais ce qu’on me donnait à un moment, pendant que les danseurs se lâchaient et proposaient quelque chose.
Finalement, il s’agissait plus d’une autogestion de chacun mais surtout d’un accord tacite entre toute l’équipe du plateau.
Un film éclectique : Une des signatures du travail de Marie est aussi la volonté de ne pas montrer une seule communauté, car le film n’est pas communautaire en ce sens.
Il s’agit réellement de montrer un éclectisme de sexes, de genres, de cultures, sans que la première question fondamentale soit “quel est ce groupe?”.
Une volonté de désindividualiser le danseur au profit de sa liberté propre au corps.
Et aussi sociologique : Le film est, en ce sens, presque une œuvre sociométrique, par laquelle il n’y a pas de représentation unique, ni d’exclusion.
Marie, qui a fait des études de psychologie, s’est d’ailleurs inspirée du travail du psychologue J.L.Moreno qui a été l'un des pionniers du concept de thérapie de groupe et de la sociométrie.
Là, où le film s’approche de cette vision, c’est qu’il propose le danseur comme un atome social qui attire et rejette de manière *endogène (qui vient de l’intérieur) et *exogène (qui vient de l’extérieur).
D’où vient le titre “Fibonacci Made Me Hardcore”?
MM: Fibonacci, c’est originellement une loi mathématique crée par le scientifique italien Fibonacci, qui, en plus d’être une suite de nombres célèbres, est une loi naturelle sur mouvement, stipulant que toutes les lois qui nous régissent proviennent de la nature, et, de ce fait, peuvent être la source de la folie/l'extase humaine montrée dans le film.
C'est aussi un hommage au titre original "Fiorucci Made Me Hardcore" que Mark Leckey avait choisi pour représenter la marque de jeans italienne Fiorucci et montrer à travers ses vidéos que les jeans permettaient une certaine liberté avec la danse.

FIBONACCI et des Chiffres
1 AN de montage
1 JOUR de tournage
23 MINUTES de film
25 DANSEURS Internationaux
1 FAMILLE
Le film expérimental aux tendances rétro, voire parfois psychédéliques, dont l’univers saccadé et linéaire à la fois, nous rappelle parfois celui de Remi Besse et autres vidéographes underground, va être diffusé dans différents festivals de films de danse.
Approuvée et validée par les grands, comme notamment Lenny Kravitz qui l’a visionné, l’aventure Fibonacci est loin d’être terminée, d’autant plus que Marie Meyer et Patric Kuo sont déjà sur un nouveau projet ambitieux.
Une affaire à suivre de près !
Article écrit par Inès Baalouche
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